Ven 13 Sep - 22:04 Elle était là... Assise devant cet écran dont la si vive clarté déchirait les ténèbres relatives de sa petite chambre. A côté de son clavier aux touches presque effacées, une canette à moitié finie de Coca Zéro. Entre ses doigts, cette cigarette qui se consumait lentement et dont la cendre tombait au gré des tressautements de ses doigts nerveux. Des secondes qui lui parurent éternité et, enfin, la page d'accueil de ce foutu site qui apparaît. Couleurs bien trop chatoyantes et qui lui firent plisser les yeux tandis que son regard dérivait sur ces lettres, presque chromées, qui dénonçait déjà l'odieux. Cet infâme que nombreux étaient ceux à condamner et plus nombreux encore ceux qui venaient s'y perdre. SombiLuv.
Un soupir embrumé de nicotine qui s'échappait de ses lèvres rosées tandis que, presque machinalement et avec une once de dédain teinté d'excitation, elle s'emparait du clavier. Ses doigts qui, plus agiles encore que lorsqu'il s'agissait de peler une orange, s'activaient sur les touches. Un profil, celui qu'elle aurait voulu menteur mais qui ne le serait pas tant que cela, et qu'elle créa encore plus rapidement qu'elle ne l'avait prévu. Des informations qu'elle délivrait avec une sincérité dérangeante. Sexe : féminin cela était facile. Âge : vingt-trois, pourquoi mentir sur un détail somme toute aussi insignifiant en ces terres perverses ? Activité : étudiante en informatique. Pas tout à fait faux. Maladie ? Là, les choses se corsaient. Mentir ou consentir à se dévoiler vraiment ? Partager sans plus aucun fard cette maladie qui nouait ses cordes vocales, obstruait si pernicieusement ses tympans. Et l'hésitation qui précède la colère quand, avec la plus flamboyante des frustrations, elle repousse le clavier, se relève et s'en vient se poster près de cette lucarne qui lui sert de fenêtre sur le monde. Dehors, tout est si paisible... Ca l'est toujours dans cette cossue banlieue ouest où les pavillons se le disputent aux villas encore plus somptueuses ! Elle aime et maudit tout autant cette forêt qu'elle voit s'étendre à perdre de vue et qui niche en son coeur les plus hypocrites des êtres, des âmes. Ces gens si bien pensant qui rivalisent de politesses le jour, dispensent les plus véhéments des discours moralistes mais qui, une fois leur foyer rejoint, délaissent leurs oripeaux de bienséance pour ne plus être qu'eux-mêmes : des menteurs, des hypocrites, des ... La diode de son téléphone portable qui l'extirpe de ses songeries si sombres et la ramène à sa réalité du moment. Ce message dont elle prend, presque blasée, connaissance. C'est Alex. Il veut savoir si elle accepterait de venir prendre un verre avec lui. Un sourcil qui se hausse tandis que son doigt, fébrile, fait défiler devant ses iris si limpides le reste du message. Il s'en veut. Vraiment ? Menteur lui aussi ! Il veut se faire pardonner. Trop facile ! Elle ne lira pas la fin de ce plaidoyer nombriliste qui l'exaspère. Elle ne lui répondra pas même, d'ailleurs. Alexandre n'a qu'à s'en prendre qu'à lui-même ! Elle ne voulait pas ça. Pire, elle y croyait à leur histoire... elle !
Encore la diode, pour lui annoncer l'arrivée d'un mail cette fois. Elle allait zapper quand l'expéditeur amène à ses iris une étincelle nouvelle. Audrey, après avoir marqué une seconde d'hésitation, ouvre le mail. Et, sans même en lire le contenu, clique sur le lien d'activation. Encore un mail. Ca y était ! Elle était maintenant elle aussi membre de ZombiLuv ! Comme une enfant perdue qui ne sait quoi faire du cadeau reçu elle laisse son regard errer d'un écran à l'autre. Elle est inscrite... Elle fait désormais partie de la grande famille des malades en quête d'amour et de sexe ... Elle aurait pu sourire, se réjouir, elle n'en fit rien. Car, désormais, la question lancinante dansait en son esprit : et maintenant, elle faisait quoi ?
